C’est avec horreur et consternation que nous avons appris l’attentat terroriste perpétré contre les journalistes de Charlie Hebdo. Il n’y a pas de mots assez durs pour condamner la barbarie de cet acte odieux. Le Parti Libertarien s’associe à l’émotion et à la solidarité qui s’exprime à travers le monde en hommage aux victimes et à leurs proches. Comme chacun, nous espérons que les coupables et leurs commanditaires seront retrouvés, puis punis en proportion de leur crime.

Ce crime sordide atteint le cœur de notre civilisation. La reconnaissance du droit à la liberté d’expression, et son corolaire la liberté de presse, est à l’origine de l’apparition des libertés modernes.  Le premier grand auteur considéré comme libéral (au sens premier, c’est-à-dire libertarien aujourd’hui) est John Milton qui, en 1644, publie un pamphlet « Pour la liberté d’imprimer sans autorisation ni censure« . La liberté d’expression, parce qu’elle permet de passer toute idée au crible de la raison, est la cause première du formidable essor des libertés individuelles aux XVIIIème et XIXème siècles. Et, pour cette même raison, elle fut évidemment  la première victime des ignominies fascistes et communistes au XXème. Nous ne laisserons pas les terroristes islamistes prendre le relais des terroristes occidentaux. Nous réclamons le droit pour chaque humain de vivre dans une société profane où rien n’est sacré et où tout peut être soumis à la réflexion comme à la raillerie.

La liberté d’expression n’est pas seulement un droit individuel. Elle participe aussi à l’enrichissement du débat public et les atteintes à cette liberté réduisent la capacité des gens à réfléchir. Les idées n’apparaissent pas par hasard, mais parce qu’elles semblent porteuses d’une part de vérité pour ceux qui y adhèrent. C’est à travers le débat que cette part de vérité va être appréciée, soupesée, affinée, réinterprétée ou abandonnée. Dans un régime démocratique, les citoyens ont le droit et le devoir  d’effectuer individuellement ce travail de réflexion critique. Et si d’aventure émerge une théorie abjecte ou imbécile, il faut encore démonter le mécanisme par lequel elle se pare de l’apparence de la vérité. Il faut montrer en quoi cette théorie est erronée et aider les gens à comprendre ce qui fait la différence entre une idée vraie et une idée fausse. Interdire l’idée, interdire l’expression de l’idée, c’est empêcher un travail intellectuel et pédagogique d’intérêt général. C’est un appauvrissement net pour la population. A ce titre, les révolutionnaires anglais, américains et français ont toujours été de grands défenseurs de toutes les libertés d’expression. La réserve qui est appliquée à ces libertés depuis l’origine est l’incitation au crime mais l’expression d’une idée seule ne peut pas être condamnable.

La liberté d’expression contient en elle toutes les autres libertés et en garantit le maintien. Elle doit donc être défendue sans la moindre concession à une quelconque forme de correction politique ou de bienséance publique. Il n’y a pas de « petites » atteintes à la liberté d’expression. Au-delà du drame d’hier, qui frappe bien sûr par son caractère meurtrier, nous espérons qu’il sera possible de réfléchir à toutes ces occasions où le gouvernement et les censeurs bienveillants s’attaquent au droit à la parole.  Faut-il rappeler que Closer fit imprimer en Belgique le numéro où était dévoilé la relation entre François Hollande et Julie Gayet. Il s’agissait pour le périodique de se protéger contre une éventuelle saisie par le gouvernement français. Différence de degré, bien sûr, mais y a-t-il réellement une différence de nature ? Dans une société libre, la caricature ne doit pas se limiter au Pape et à l’Islam. Il faut aussi pouvoir se moquer (même méchamment) des juifs, des noirs, des femmes, des chefs d’État. Et des libertariens, bien sûr ! Nous n’exigeons le respect de personne et nous n’entendons pas nous le faire imposer pour qui que ce soit.

La seule bonne réponse aux terroristes consistera à réaffirmer que la liberté d’expression est une valeur fondamentale de l’occident en toute circonstance. Mais nous ne pouvons pas le réaffirmer seulement par la parole, en agissant ensuite en sens inverse. Toute hypocrisie de notre part sera un signe de notre faiblesse et sera interprétée comme une volonté de protéger certains en laissant d’autres se faire dénigrer. Nous fournirions les armes à nos ennemis. Ne faisons pas de ce 7 janvier un nouveau 11 septembre. Que l’attaque d’hier ne soit pas le prétexte à rogner les libertés civiles comme le furent les attaques de 2001. Il s’agit de rappeler que, chez nous, tout le monde a le droit à la parole. Même les déviants, même les salauds, même les islamistes.