Le libertarianisme est une critique radicale du pouvoir illégitime exercé sur autrui. Philosophie politique originale qui se base sur le principe de non-agression, il est parfois difficile à saisir. De ce fait, on entend parfois dire qu’il s’opposerait à la démocratie parce qu’il entend limiter le champ d’action des représentants du peuple. Que penser de ces assertions?

Pour mieux comprendre le rapport entre libertarianisme et démocratie, il importe de mieux comprendre celle-ci.

Avec le temps, certains ont développé une compréhension purement procédurale de la démocratie par laquelle le vote de la majorité l’emporte toujours sur la volonté de la minorité. Dans cette vision, le pouvoir est certes détenu par le peuple, mais il devient fondamentalement totalitaire. Le libertarianisme, qui s’attache à protéger les droits de tous les individus, ne peut évidemment pas s’en accommoder. Un acte injuste, même validé par une majorité du peuple, reste un acte injuste.

Pour nous, la démocratie est bien plus que la simple règle de majorité. Il est important de rappeler qu’elle s’appuie sur des valeurs bien plus profondes que cet aspect purement procédural. La notion a en effet un contenu substantiel qu’il est nécessaire d’évoquer rapidement. Le volet procédural est tempéré par des idéaux et principes supérieurs qui en réalité limitent ce que la majorité peut valablement décider.

Il existe des définitions multiples, mais nous retiendrons les caractéristiques suivantes de la démocratie moderne :

  • Le pluralisme, entendu au sens de la reconnaissance du droit de posséder et d’exprimer des avis divergents. Le peuple qui gouverne n’est pas une entité abstraite et uniforme, c’est une collection d’individus qui doivent pouvoir être acceptés dans leur diversité. La défense des minorités est un critère fondamental d’une démocratie saine.
  • L’égalité devant la loi, qui s’oppose aux lois d’exception et privilèges. Non seulement il n’est pas question d’opprimer des minorités, mais il est également inconcevable de constituer politiquement des minorités détenant des avantages qui leur sont exclusifs.
  • L’Etat de droit, élément indispensable tant pour faire respecter les droits des individus que pour permettre à ceux-ci d’évaluer l’action gouvernementale et éventuellement la rectifier.
  • Et bien évidemment, le contrôle des gouvernants par les gouvernés, en d’autres termes, la possibilité réelle laissée aux individus de rejeter leurs gouvernants et d’en censurer l’action.

De cette liste – et on aurait pu en constituer d’autres avec le même résultat – il apparaît très clairement que non seulement le libertarien est pleinement démocrate, mais que le libertarianisme est même la philosophie politique incarnant au mieux l’idéal démocratique. En effet, le respect profond pour l’individu, inviolable, et les limites au pouvoir constituées par l’axiome de non-agression constituent aussi bien les fondements théoriques que les moyens pratiques pour faire vivre une démocratie saine telle que présentée ci-dessus.