Au cours de l’émission Controverse de ce week-end, M. Olivier Deleuze s’est mis à rêver tout haut d’une Belgique sans fraude fiscale. « Avec 9 milliards d’euros, on peut faire des choses énormes et extraordinaires! » a-t-il déclaré avant d’énumérer son catalogue de bonnes intentions. À l’entendre, tous les problèmes belges seraient résolus grâce à cette cagnotte miraculeuse de 9 milliards annuels. Étonnamment, aucun des autres parlementaires sur le plateau ne semble avoir pris conscience des ordres de grandeur dont il est question. 9 milliards, en fait, ce n’est pas grand-chose! 9 milliards, ça correspond seulement au montant du déficit annuel prévu par le budget 2013 qu’ils viennent de voter. En pratique, c’est juste la somme dont la Belgique aurait besoin pour assurer ses dépenses actuelles sans en faire porter la charge par les générations futures.

Mais l’attitude des hommes et femmes politiques réunis ce dimanche-là sur les plateaux de RTL-TVI est symptomatique des problèmes structurels que connaît notre pays. Alors qu’ils n’ont pas encore touché le premier euro d’un hypothétique renforcement des contrôles fiscaux, ils disposent déjà d’une liste sans fin de dépenses supplémentaires à financer. D’évidence, récupérer les impôts éludés n’aurait aucune influence sur l’état de nos finances publiques ou sur nos taux d’imposition. Les gouvernements trouveront toujours un bon prétexte pour dépenser ces nouvelles recettes et la situation du contribuable ordinaire n’en serait en rien changée. Il ne faut donc pas s’étonner que 70 % des Belges se soient déclarés solidaires des fraudeurs. Personne n’est dupe et chacun se rend bien compte que ce que l’État ne parvient pas à faire aujourd’hui avec 200 milliards de recettes, il n’y arrivera pas mieux demain avec 209 milliards.

À l’analyse, la lutte contre la fraude fiscale sert aujourd’hui de porte d’entrée à toutes les velléités de contrôle des pouvoirs publics. Depuis le fichage systématique des contribuables jusqu’à l’incitation à la délation, elle est prétexte à tous les empiétements sur les droits individuels. Aujourd’hui, la droite propose même d’inverser la charge de la preuve en matière fiscale sans se soucier de l’importance fondamentale de la présomption d’innocence dans tout système juridique démocratique. On se doit d’être choqué par la désinvolture avec laquelle les réformateurs balayent du revers de la main ce principe libéral au coeur de notre système juridique. Mais il faut comprendre qu’ils s’intègrent dans le mouvement plus large du tout-à-l’impôt qui domine la classe politique actuelle.

Car, aujourd’hui, si celui qui aime payer des impôts — et en faire payer par son voisin — a l’embarras du choix dans les partis pour qui voter, il n’en va pas de même pour celui qui ne partage pas ce choix de société. Quelle option s’ouvre au citoyen qui pense que l’État doit se transformer de l’intérieur plutôt que de poursuivre ses concitoyens à l’autre bout de la planète? Le Parti Libertarien s’est fondé pour combler cette carence démocratique. Nous rêvons d’une autre société, une société avec moins d’État, moins de lois, moins de contrôles, moins de fonctionnaires, et, bien sûr, moins d’impôts. Une société où la fraude fiscale serait devenue inutile, où les citoyens ne devraient plus se cacher par peur de leur propre gouvernement, où chacun pourrait jouir paisiblement de ses biens et en faire profiter toute l’économie. Et pourquoi pas, un jour, faire de la Belgique elle-même un paradis fiscal?