Le week-end passé, se sont tenues les rencontres interlibertariennes de Lugano. Cette magnifique intitiative a permis de réunir, physiquement ou par web-cam, des délégations venues des quatre coins du monde. Il y avait là des libertariens de toute l’Europe, Italie, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne, mais également de pays plus lointains comme le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie.

Cette année, le thème proposé à la réflexion de chacun était « Les libertariens dans l’arène politique. Comment construire le consensus pour influencer ou changer les structures de l’Etat ? » Un thème de circonstance pour notre jeune parti.

Voici le texte présenté par notre Président, Patrick SMETS.

« Chers amis libertariens,

Le Parti Libertarien en Belgique est un tout nouveau membre du grand club des organisations libertariennes. Notre objectif est de nous frayer un chemin jusqu’à l’Agora.  Sur internet, le mouvement libertarien est désormais présent à peu près partout, on parle de nous sur tous les forums et dans tous les blogs, nous disposons de nombreux militants, de think tanks, d’associations multiples et même depuis peu du journal on-line Contrepoints. Mais malheureusement, nos idées ne semblent pas percer au-dehors, dans la « vie réelle ». Nos opinions, nos propositions, nos commentaires sont systématiquement perçus comme l’expression privée d’une personne privée, sans lien avec la vie publique.

Je pense qu’il est temps de conquérir la part d’espace public qui nous revient légitimement et, au royaume du tout-politique, cela ne peut passer que par un parti politique. Dans nos contrées, les partis politiques sont entourés d’une mystique particulière et d’un relent de tribalisme que seuls les clubs de football parviennent à dépasser. Le peuple est ainsi fait qu’il se fiche des think tanks les plus prestigieux mais s’enthousiasme pour les drapeaux, les slogans, et les luttes de clans. C’est donc cette voie que nous emprunterons.

Nous avons tenu notre congrès fondateur ce dimanche 11 novembre, en commémoration de l’armistice de 1918. En choisissant cette date, nous réaffirmons d’emblée que le mouvement libertarien est un courant de pensée fondé sur la non-violence et sur le “principe de non-agression”. Nous parlons beaucoup d’impôts parce que ce sujet est plus actuel dans nos pays européens, mais n’oublions jamais que de toutes les abominations commises par les Etats, la guerre est la pire. Nos compagnons américains se battent sans relâche contre la politique belliqueuse du gouvernement de Washington. Soyons vigilants que les Etats européens ne suivent pas le même chemin. Faisons tout particulièrement attention à la tentative récurrente de construire une Europe de la Défense au niveau de l’Union Européenne et dont la guerre en Libye servit de laboratoire.

Pour en venir au sujet de la réunion, la guerre est certainement une des façons dont les Etats parviennent à construire un consensus autour de leur existence. Lorsque la Patrie est menacée, personne n’ose remettre son chef en cause. Ce n’est pas pour rien que les périodes de guerre constituent les moments de plus forte croissance des pouvoirs publics. Gardons ceci à l’esprit. La croissance de l’Etat n’est pas un processus linéaire mais une sorte d’équilibre ponctué, pour reprendre les termes de la biologie. C’est lors des crises que les Etats s’étoffent, lorsque la situation semble tellement désespérée que les peuples sont prêts à se défaire de leurs libertés. On voit encore aujourd’hui combien la crise de la dette est mise à profit par les euro-centralisateurs pour conquérir de nouveaux pouvoirs. Le discours quotidien, socialiste et lénifiant, est une patine pour entretenir un consensus qui s’est constitué ailleurs et à d’autres moments.

Combattre le discours socialiste quotidien n’est donc pas la méthode la plus efficace de réduire le poids de l’Etat. Parce que ce n’est pas ce discours qui est à l’origine du système. Il n’en est que la vitrine. Il nous faut donc viser les ressorts réels du pouvoir et des groupes d’intérêt qu’il sert. Il faut attaquer l’Etat au coeur de son fonctionnement, plutôt que de chercher à gagner le débat démocratique. La représentation selon laquelle le pouvoir s’acquiert par le débat d’idée est un mensonge au service du gouvernement en place.

Le pouvoir, comme toujours, est affaire de ressources. L’illusion légaliste tend à nous faire croire qu’il faut pénétrer dans l’appareil d’Etat pour parvenir à le contrôler. Mais c’est faux. En réalité, la dissolution du pouvoir nécessite de bloquer l’accès des politiciens aux sources de pouvoir dont ils ont besoin pour maintenir le système. Et cet assèchement des ressources de pouvoir peut se faire de l’extérieur. Ce doit probablement être l’objectif premier de tout mouvement constitué. Plutôt que d’essayer de gagner des élections, ce qui est bien mais compliqué, il est plus facile de couper les vivres aux gouvernements.

Dans cette perspective, il convient que les libertariens se rendent compte de l’opportunité extraordinaire que représente la crise de la dette. Aujourd’hui, il n’est pas un seul Etat en occident qui pourrait vivre sans avoir accès aux marchés financiers. Ce devrait donc être un objectif prioritaire des libertariens que de les priver de cette source de liquidités. Parvenir à susciter ne serait-ce qu’un débat sur l’annulation de la dette aurait déjà comme effet immédiat une difficulté de refinancement pour nos gouvernements. Privé de l’argent nécessaire à sa gestion ordinaire, c’est tout le système politique qui va se démanteler et se fractionner. Les boucles de rétroactions qui garantissaient la reproduction du système vont se gripper et les privilégiés du régime vont perdre leurs capacités d’action, ouvrant la voie à de vrais challengers et à un changement de régime.

La perspective semblera peut-être terrifiante pour les toutous de la République qui,finalement, ne vivent pas si mal dans le système actuel. Mais pour les vrais abolitionnistes, les « button pushers » dont parle Rothbard, l’opportunité est trop belle pour ne pas être exploitée. Haro sur la dette et vive le défaut. Pour une fois que nous avons la possibilité d’attraper l’Etat par les couilles, serrons le plus fort possible !
Par ce petit billet, j’espère avoir pu alimenter le débat qui nous rassemble et je vous souhaite une fructueuse réflexion. »